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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 07:29

Le Prix Nobel de Littérature a été décerné en 1905 à l’auteur polonais Henryk Sienkiewicz. Enfin, polonais, c’est vite dit, vu que la Pologne n’existait plus. Son œuvre la plus connue : Quo Vadis ?, un roman des temps néroniens, parue en 1895.

 

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Pavé de 700 pages, Quo Vadis ? est un incontournable de la littérature polonaise. Il narre l’amour d’un patricien pour une princesse chrétienne au temps de Néron, et la persécution des chrétiens. Je n’en dis point plus pour ne pas dévoiler une intrigue qui est tout de même cousue de fil blanc.

 

Alors, qu’en ai-je pensé ?

Le style, tout d’abord, de la traduction est magique : elle a été validée par l’auteur lui-même, ce qui en assure la parfaite adéquation avec ses idées. Sienkiewicz était consciencieux et décrit la Rome de Néron parfaitement, s’attardant sur tous les détails : plus qu’un écrivain, il est ici un peintre. Chaque scène est une description parfaite, un ballet devant lequel le lecteur serait comme spectateur.

Ensuite, l’intrigue en elle-même est un brin grossière, et l’on devine aisément comment cela finira : parfois même l’auteur ne va pas au bout de ce qu’en attend le lecteur, décidant de reculer devant la tentation de faire de son œuvre une tragédie totale (ce qui m’aurait personnellement beaucoup plus, faisant passer pour moi ce livre d’ « excellent » à « référence littéraire »). Gros coup de gueule : l’édition Livre de Poche a retranscrit les titres des chapitres de la première édition française, qui annoncent parfois la mort de certains personnages dans le dit-chapitre. Or, ceux-ci sont absents de l’œuvre originale ! C’est vraiment une horreur. Heureusement que les notes sont abondantes et riches afin de mieux comprendre la Rome de cette époque.

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Une carte postale de Mastroianni représentant une scène de Quo Vadis ? (1913)

 

Vient ensuite la partie de mon avis dont l’écriture m’impatientait : la psychologie des personnages. D’un côté, nous avons les chrétiens, personnages le plus souvent gentils mais ennuyeux, et de l’autre côté les païens, et en particulier mon personnage préféré : Pétrone (qui a réellement existé).

Ainsi, Marcus Vinicius, l’amoureux transi, est comme tous les amoureux : il est chiant et ne fait que radoter sur sa Lygie, qui elle, n’en a que pour Jésus. L’Apôtre Pierre est déjà plus intéressant et plus fouillé et même moi, je me suis pris d’affection pour ce vieux bonhomme dépeint tellement las mais si fort. 

Et de l’autre côté, il y a les personnages qui ont du caractère, qui sont retors et qui valent vraiment le coup que l’on s’y attarde. Pétrone, tout d’abord, membre de la cour de Néron, qui se voit obligé de jouer un double-jeu pour survivre, lui qui est esthète et profite de la vie en philosophant. Ses moyens d’action sont retors, souvent non-conformes à l’éthique, mais l’on ne peut qu’aimer ce personnage qui ne croit plus en rien sinon à jouir de la vie tant que Néron la lui laisse. Ses entourloupes et son habileté à discourir le rendent vraiment attachant. Ensuite, il y a Chilon, un Grec un coup du côté de Vinicius, de l’autre avec Néron, un vrai roublard. Il y a aussi Crespus, un chrétien sectaire qui résonne dans l’absolu et déforme le message du Christ : cela montre une dérive que Pierre a essayé de contenir. Et enfin, enfin, il y a Néron. Artiste (infâme) qui ne voulait gouverner que pour l’amour des vers. Personnage retors, tout puissant, déconnecté de la réalité, il est un plaisir à voir évoluer, trompé en permanence par ses courtisans qui l’empêchent de voir la réalité : ce n’est en rien sa faute, mais plutôt celle de sa suite qui l’aveugle. Sienkiewicz a écrit à la fin du XIXe siècle dans une Pologne catholique : Néron y était la figure de l’Antéchrist, bien loin des dernières percées historiographiques qui le dédouanent de beaucoup de méfaits qui ont pu lui être imputés. Il ne faut pas prendre le roman pour argent comptant, mais cela va de soi.

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Une carte postale de Mastroianni représentant une scène de Quo Vadis ? (1913)

 

Le roman n’est pas, à ma grande surprise, une si grosse propagande chrétienne que cela. Comme je l’ai noté, le personnage de Crespus donne à la jeune communauté chrétienne du caractère et des dissensions qui font que tout n’est pas beau et lisse. De plus, le personnage de Pétrone qui ne croit en rien contrebalance la doctrine de Pierre et de Paul de Tarse (lui et Pétrone discutent longuement). Et puis pour ceux qui sont profondément anti-religion, ils pourront se consoler avec les grandes persécutions sur les chrétiens, massacrés par milliers dans de (très belles) scènes dans les amphithéâtres.

 

Plus qu’un roman chrétien, Quo Vadis ? m’est surtout apparu comme un roman de son époque, une métaphore de la répression de la Russie tsariste contre la Pologne occupée, avec la volonté de convertir les catholiques à l’orthodoxie et d’anéantir toute la culture polonaise. Après, ce n’est que ce que j’ai ressenti…

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Une carte postale de Mastroianni représentant une scène de Quo Vadis ? (1913)

 

 Quo Vadis ?, c’est une grande épopée avec de l’amour, de la haine, de la trahison, des exploits héroïques, de la tristesse, de la politique, le tout dans une Rome néronienne criante de vérité. Quo Vadis ?, c’est tout simplement un péplum à dévorer pendant 700 pages.

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